Les enduits de corps terre-paille

1 an 1/2 après le démarrage de la phase enduits, il me semble qu’il est temps d’écrire à ce sujet ! Je vais donc documenter ici les différentes étapes de préparation et d’application, en espérant ne rien oublier car cela me paraît déjà un peu loin, bien que nous devions y retourner en 2024. Je ne rentrerai pas dans le détail de la partie gestuelle de l’application, les stages, livres et vidéos sur le sujet sont très nombreux.

1. La préparation de l’enduit

Environ 1 mois avant le début de notre phase d’application de l’enduit terre, nous nous sommes mis une grosse mission : préparer l’ensemble de la matière en une seule fois pour ensuite lui laisser le temps de fermenter.

Pour cela, nous avons construit une sorte de piscine : des bottes de pailles disposées en rectangle, un piquet de part et d’autre de l’entrée, des sangles de camion pour relier le tout et éviter que les bottes ne chassent sous la pression de l’enduit, et enfin une bâche d’ensilage pour constituer le « liner ».
Une fois remplie, nous avons recouvert d’une nouvelle bâche pour éviter l’évaporation et le durcissement de l’enduit.
Cette technique s’est montrée très efficace puisque nous avons stocké l’enduit de cette façon de juin à octobre, traversant une grande période de canicule à plus de 40 degrés.

L’enduit fermenté sent assez fort, mais l’odeur n’est pas si désagréable qu’elle nous avait été décrite. Concrètement, ça sentait un peu l’étable, mais cette odeur disparaît rapidement avec le séchage. Je pense que la terre utilisée fait pas mal varier le résultat, car j’ai effectivement été confrontée à une odeur très désagréable sur un autre chantier où l’enduit était composé d’argile de carrière + sable. Je n’ai pas la preuve que le lien soit direct, mais clairement je n’aurais pas apprécié appliquer nos enduits avec leur mélange !

Notre terrain étant situé sur une formation d’argile épaisse à la composition idéale pour des enduits, il nous a toujours paru évident que nos murs seraient constitués de la terre de notre terrain. Nous avions donc conservé en tas (protégé par une bâche également pour éviter le lessivage) la terre issue des fouilles ouvertes pour installer les cuves de récupération d’eau de pluie.

Première étape : tamiser la terre.
Nous en avons fait une grande partie à la main, 6m3, et c’est vraiment un travail de bagnard… Casser à la pioche le tas initial, jeter des pelletées sur un tamis en grillage à poules, récupérer cette matière pour la passer dans des tamis manuels afin d’atteindre une plus petite granulométrie, autant dire que l’on n’enchaîne pas les mètres cubes de cette façon. Avec le recul, il y a de quoi se demander pourquoi nous nous sommes entêtés là-dedans !
Lorsque nous en avons refait en octobre, un copain nous avait prêté sa bétonnière pour laquelle il avait fabriqué un tamis amovible (photo 6 ci-dessous). Tout était beaucoup plus simple et moins fatigant : remplissage de la béto en fonctionnement d’un côté, vidage de l’autre après avoir posé le tamis. Avec cette technique, nous avons refait 1,5m3 en 1 journée à 3.

Seconde étape : hâcher la paille.
Nous avons utilisé la tondeuse pour réaliser cette opération, en la réglant le plus haut possible. Après avoir réparti la paille au sol sur une plaque d’OSB, nous passions la tondeuse dessus puis récupérions la paille hâchée dans le sac. La fibre ainsi obtenue a une longueur de 5cm environ, c’est idéal pour la fabrication de l’enduit.

Troisième étape : Fabriquer l’enduit.
Notre grosse bétonnière nous a de nouveau bien servi. Nous préparions les seaux en amont (terre, paille hâchée, eau) et Marc réalisait le mélange. On serait tenté de croire que l’on peut tout jeter dedans de façon indifférenciée, mais des essais sont nécessaires pour déterminer l’ordre d’introduction des ingrédients.

Je ne vous donnerai pas ici notre recette d’enduit puisqu’elle n’est pas duplicable sans avoir la même terre que nous. De plus, nous avons constaté cette année que nous aurions pu significativement augmenter la quantité de paille, ce qui aurait limité le poids de notre production et aurait économisé nos forces. Dans tous les cas, des tests doivent être réalisés avant toute préparation en grande quantité.

2. La préparation des murs

Avant d’enduire, le support doit être bien préparé pour présenter une surface à la densité identique partout et sans rupture de matériau. Chez nous, les murs sont exclusivement en paille et en liège, deux matériaux qui s »accordent bien et ne nécessitent pas de précautions particulière. Néanmoins, certains points de vigilance doivent être observés.

Pour commencer, une grande étape de rebouchage entre les bottes a été nécessaire. Un point que nous n’avions pas anticipé et qui nous a pris beaucoup de temps car la quasi totalité des interstices était à reprendre. La faute à nos bottes ? Sans doute. La faute à la technique ? Sûrement. À refaire, nous partirions sans doute sur des bottes debout au lieu des bottes sur chant, bien que cela soit un peu plus consommateur de bois.
Le rebouchage se fait en paille sèche, en formant des poupées lorsque les trous sont gros, ou en insérant une poignée de paille pliée en 2 à l’aide d’un outil non tranchant.
Après cela, Marc a passé un coup de débroussailleuse pour rectifier les murs. Cette étape n’était en réalité pas nécessaire, nous ne l’avons d’ailleurs pas fait à l’étage. Elle a l’inconvénient de créer facilement des « enfoncements » et d’obliger ensuite à passer une couche de corps d’enduit plus épaisse.

Autour des fenêtres, afin de réaliser les arrondis, nous avons scotché de la trame qui a ensuite été rabattue dans le corps d’enduit. L’objectif était de limiter les risques de fissures à ces endroits sollicités.

Enfin, nous avons posé les raccords d’étanchéité des jonctions.
Pour l’interface mur/plafond, nous avons opté pour du scotch tramé Contega qui a l’inconvénient d’être cher mais l’avantage d’être résistant et enduisable sur sa partie collante. Et concrètement, c’est un vrai gain de temps. C’est également ce scotch que nous avons utilisé pour réaliser l’étanchéité autour des pièces de charpente qui sortent des murs.
Pour la jonction mur/sol, nous avons découpé des bandes de frein vapeur que nous avons scotché à la dalle et que nous avons découpées de façon à former des franges qui pourraient être noyées dans l’enduit. Ça fonctionne mais c’est clairement moins solide et moins pratique à enduire.

Une fois toutes ces étapes passées, nous avons pu passer à l’application du renformi, c’est à dire d’une première couche d’enduit à laquelle nous avons ajouté de la paille pour alléger, sur l’ensemble des points qui nous paraissaient plus fragiles : en gros les inter-bottes qui avaient été rebouchées en paille sèche.

Une autre étape importante avant d’induire mais qui ne relève pas de la préparation du support : le passage des gaines et la pose des boitiers. Il est toujours possible de le faire plus tard, mais cela impliquera de faire des saignées dans le mur, donc de salir de nouveau le chantier.
Pour maintenir les gaines en place, il est possible de les glisser sous les ficelles des bottes. Nous avons testé plusieurs solutions de fixation des boites, et celle qui nous apparait comme la plus efficace consiste à réaliser un plot de MAP (ou plâtre si vous savez bien travailler avec) dans lequel on vient plaquer la boite. Cela a l’avantage de conserver l’étanchéité et est parfaitement enduisable.

👉 Si vous avez un projet d’enduit terre sur bottes de paille, je vous invite vivement à écouter ce paillardage du RFCP avec Julie Laurain. Nous avons suivi attentivement ses conseils, qui nous ont aussi aidé à ne pas sous-estimer l’importance de cette étape.

3. L’application de l’enduit

Pour permettre l’accroche de l’enduit sur la paille, il est indispensable de commencer par l’application d’une barbotine. Nous avons utilisé notre terre pendant tout un temps pour cette étape, puis nous nous sommes décidés à acheter de l’argile de carrière pour économiser des étapes de tamisage. Et la différence entre les deux est flagrante ! L’effet colle de l’argile pure est vraiment très fort, ce qui n’était pas le cas de la barbotine réalisée avec notre terre et nous a causé quelques désagréments (détachement de linteaux) au RDC.

Idéalement, la barbotine se prépare la veille, ce qui laisse à l’argile le temps de gonfler. Elle doit avoir une texture crème fouettée, quelque chose de très onctueux. Nous l’avons appliquée à la main, avec des gants en caoutchouc pour éviter de blesser nos mains avec les petites tiges de ronces parfois présentes dans les bottes et autres bricoles du genre. Et puis, il faut bien malaxer la surface de la botte pour que la barbotine pénètre un peu.

L’enduit étant stocké dehors, nous remplissions des seaux, qui étaient acheminés vers la maison dans une brouette, puis déversés dans de grands bacs (comme des poubelles rondes mais plus bas). Une fois malaxé, le mélange fermenté redevient très plastique, ce qui le rend très agréable à appliquer.

Nous avons généralement procédé en deux couches, la première visant à mettre de l’épaisseur et empêcher la barbotine de sécher, et la seconde réglant la planéité du mur. Là aussi nous avons essayé plusieurs techniques.
La moins salissante : On charge une taloche avec de l’enduit, puis on vient la presser contre le mur avec un mouvement qui va du bas vers le haut, avec un angle légèrement ouvert.
La plus fun et accessible : On projette à la main des « boulette » d’enduit sur le mur. Il est tout à fait possible de lisser grossièrement à la taloche une fois toute la surface recouverte.
Dans tous les cas, la dernière couche est appliquée à la taloche (ou au platoir pour les endroits moins accessibles ou plus petits).

Pour être certain·e que l’enduit accroche correctement, on part normalement du haut du mur et on redescend.

Cette étape est véritablement méditative et addictive, bien que très physique du fait du poids de l’enduit. Je ne pensais pas autant l’apprécier, mais clairement c’est une de mes phases préférées du chantier !

4. Le cas de l’hiver

Nous avons du enduire au mois de novembre 2022, et nous avons pu constater quelques désordres, légers, qui n’arrivaient pas les mois précédents avec des températures de séchage plus appropriées. Les parties enduites ont présenté pas mal de plaques de champignons (des auréoles blanches et « poilues »), des grains de blé ont germé, et la condensation était importante sur les fenêtres de l’étage (le RDC était sec).

Nous avions déjà installé le poêle, ce qui nous permettait de faire du feu pour augmenter la température de la maison, et l’ensemble des isolants était mis en oeuvre. Cependant, cela n’a pas suffit. Nous avons alors acheté un déshumidificateur un peu costaud pour nous aider à assécher, et ça a été assez efficace sans pour autant arrêter complètement les manifestations de cette humidité trop élevée.

Dans la mesure du possible, nous ne pouvons que vous recommander d’enduire l’été, ou au moins de faire la première couche à cette période : lorsque la première couche est sèche, la deuxième sèche beaucoup plus vite car une partie de son humidité est captée par la première. Vous limiterez grandement les désagréments.


Nous sommes depuis peu passés dans la phase enduits de finition, bien qu’il nous reste encore un peu de travail en corps d’enduit. Vous pouvez suivre les avancées de façon plus instantanée sur Instagram, ce qui permet également de mieux rendre compte de la difficulté d’achever totalement une phase avant d’en démarrer une autre.

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