Les enduits de corps terre-paille

1 an 1/2 après le démarrage de la phase enduits, il me semble qu’il est temps d’écrire à ce sujet ! Je vais donc documenter ici les différentes étapes de préparation et d’application, en espérant ne rien oublier car cela me paraît déjà un peu loin.
Sur la partie gestuelle de l’application, les stages, livres et vidéos sur le sujet sont très nombreux alors je n’aborderai pas cette question.

1. La préparation de l’enduit

Environ 1 mois avant le début de notre phase d’application de l’enduit terre, nous nous sommes mis pour mission de préparer l’ensemble de la matière en une seule fois pour ensuite lui laisser le temps de fermenter.

Pour cela, nous avons construit une sorte de piscine : des bottes de pailles disposées en rectangle, un piquet de part et d’autre de l’entrée, des sangles de camion pour relier le tout et éviter que les bottes ne chassent sous la pression de l’enduit, et enfin une bâche d’ensilage pour constituer le « liner ».
Une fois remplie, nous avons recouvert d’une nouvelle bâche pour éviter l’évaporation et le durcissement de l’enduit.
Cette technique s’est montrée très efficace puisque nous avons stocké l’enduit de cette façon de juin à octobre, traversant une grande période de canicule à plus de 40 degrés.

L’enduit fermenté sent assez fort, mais l’odeur n’est pas si désagréable qu’elle nous avait été décrite. Concrètement, ça sentait un peu l’étable, mais cette odeur disparaît rapidement avec le séchage. Je pense que la terre utilisée fait varier le résultat, car j’ai effectivement été confrontée à une odeur très désagréable sur un autre chantier où l’enduit était composé d’argile de carrière + sable. Je n’ai pas de preuve que le lien soit direct, mais il est clair que je n’aurais pas apprécié avoir à subir cela lors de l’application de notre enduit.

Notre terrain étant situé sur une formation d’argile épaisse à la composition presque idéale pour des enduits, il nous a toujours paru évident que nos murs seraient constitués de la matière issue de notre terrain. Nous avions donc conservé en tas (protégé par une bâche également pour éviter le lessivage) la terre retirée par le terrassier lors de l’installation des cuves de récupération d’eau de pluie.

Première étape : tamiser la terre.
Nous avons tamisé une grande partie à la main, 6m3, et il s’agit vraiment d’un travail de bagnard… Casser à la pioche le tas initial, jeter des pelletées sur un tamis en grillage, récupérer cette matière pour la passer dans des tamis manuels afin d’atteindre une plus petite granulométrie, autant dire que l’on n’enchaîne pas les mètres cubes de cette façon. Avec le recul, il y a de quoi se demander pourquoi nous nous sommes entêtés là-dedans !

Lorsque nous avons refait de la matière en octobre, un ami nous avait prêté sa bétonnière qu’il avait équipée d’un tamis amovible (photo 6 ci-dessous). Tout était beaucoup plus simple et moins fatigant : remplissage de la béto en fonctionnement d’un côté, vidage de l’autre après avoir posé le tamis sur la bouche. Avec cette technique, nous avons refait 1,5m3 en 1 journée à 3.

Seconde étape : hacher la paille.
Nous avons utilisé la tondeuse pour réaliser cette opération, en la réglant le plus haut possible. Après avoir réparti la paille au sol, nous passions la tondeuse dessus puis récupérions la paille hachée dans le sac. La fibre ainsi obtenue a une longueur de 5cm environ, c’est idéal pour la fabrication de l’enduit.

Troisième étape : composer l’enduit.
Notre grosse bétonnière nous a de nouveau bien servi. Nous préparions les seaux en amont (terre, paille hachée, eau) et Marc réalisait le mélange. On serait tenté de croire que l’on peut tout jeter dedans de façon indifférenciée, mais des essais sont nécessaires pour déterminer l’ordre d’introduction des ingrédients.

Je ne me hasarderai pas à vous donner notre recette, car il n’y en a pas deux identiques. Il est vraiment indispensable de réaliser des tests avant tout chantier. Nous n’en n’avions d’ailleurs pas fait suffisamment, et nous nous sommes aperçu bien après que nous aurions pu vraiment augmenter la quantité de paille. Cela aurait économisé nos forces !

2. La préparation des murs

Avant d’enduire, le support doit être bien préparé pour présenter une surface à la densité identique partout, et sans rupture de matériau. Chez nous, les murs sont exclusivement en paille et en liège, deux matériaux qui s »accordent bien et ne nécessitent pas de prendre des précautions particulières.

Néanmoins, nous avons du passer pas mal de temps à reboucher les interstices entre les bottes, au niveau des montants d’ossature. Un point que nous n’avions pas anticipé. La faute de nos bottes ? Sans doute. La faute de la technique ? Sûrement également. À refaire, nous partirions sans doute sur des bottes debout au lieu des bottes sur chant, bien que cela soit un peu plus consommateur de bois.

Le rebouchage se fait en paille sèche, en formant des poupées lorsque les trous sont gros, ou en insérant une poignée de paille pliée en 2, à l’aide d’un outil non tranchant. Après cela, Marc a passé un coup de débroussailleuse pour rectifier les murs. Cette étape n’était en réalité pas nécessaire, nous ne l’avons d’ailleurs pas fait à l’étage. Elle a l’inconvénient de créer facilement des « enfoncements » et d’obliger ensuite à passer une couche de corps d’enduit plus épaisse. Nous ne la recommandons pas…

Les raccords d’étanchéité

Pour l’interface mur/plafond, nous avons opté pour du scotch tramé Contega qui a l’inconvénient d’être cher mais l’avantage d’être résistant et enduisible. Et concrètement, c’est un vrai gain de temps. C’est également ce scotch que nous avons utilisé pour réaliser l’étanchéité autour des pièces de charpente qui traversent les murs.

Pour la jonction mur/sol, nous avons découpé des bandes de frein vapeur que nous avons scotchées à la dalle et que nous avons découpées de façon à former des franges qui pourraient être noyées dans l’enduit. Cette solution fonctionne, mais est vraiment moins solide et moins pratique à enduire que le Contega.

Autour des fenêtres, afin de limiter le retrait de l’enduit sur le dormant, nous avons scotché de la trame qui a ensuite été rabattue dans le corps d’enduit. Ici aussi le Contega tramé aurait été une bonne chose, bien plus pratique à poser que le bricolage scotch à enduire + trame.

Le passage des gaines

Une autre étape importante avant d’enduire, mais qui ne relève pas de la préparation du support : le passage des gaines d’électricité et la pose des boitiers. Il est toujours possible de le faire plus tard, mais cela impliquera de réaliser des saignées dans le mur, donc de salir de nouveau le chantier.
Pour aider à maintenir les gaines en place, il est possible de les glisser sous les ficelles des bottes. On peut également les « coller » en appliquant de petits plots de plâtre dans lesquel on vient noyer la gaine à plusieurs endroits.

Nous avons testé plusieurs solutions pour fixer les boites qui permettent ensuite d’installer prises et interrupteurs. Celle qui nous parait la plus efficace consiste à procéder comme pour les gaines, et à réaliser un plot de plâtre dans lequel on vient plaquer la boite. Cela a l’avantage de conserver l’étanchéité, placer précisément la boite en profondeur, et est parfaitement enduisible.

Le renformi

Une fois toutes ces étapes passées, nous avons terminé la préparation des murs par l’application d’un renformi : il s’agit d’un mélange allégé composé d’enduit et de beaucoup de paille (l’enduit sert de colle). Nous l’avons appliqué sur l’ensemble des points qui nous paraissaient plus fragiles, principalement les inter-bottes qui avaient été rebouchées en paille sèche et qui n’avaient de facto pas la même densité que la botte elle-même.

3. Application du corps d’enduit

La barbotine

Pour permettre l’accroche de l’enduit sur la paille, il est indispensable de commencer par l’application d’une barbotine. Nous avons utilisé notre terre tamisée très fin pendant tout un temps pour cette étape, puis nous nous sommes décidés à acheter de l’argile de carrière pour économiser des étapes de tamisage. Et la différence entre les deux est flagrante ! L’effet colle de l’argile pure est vraiment très fort, ce qui n’était pas le cas de la barbotine réalisée avec notre terre et nous a causé quelques désagréments (détachement de linteaux…).
N’hésitez donc pas à utiliser une argile de carrière pour cette étape, il en faut peu de toutes façons alors le coût est vraiment minime.

Idéalement, la barbotine doit être préparée la veille, ce qui laisse à l’argile le temps de gonfler. Elle doit avoir une texture de crème épaisse, quelque chose de très onctueux. Nous l’avons appliquée à la main, avec des gants en caoutchouc pour éviter de blesser nos mains avec les petites tiges de ronces parfois présentes dans les bottes (bio donc issues de champs non désherbés chimiquement).
Il faut ensuite bien malaxer la surface de la botte pour que la barbotine pénètre un peu.

L’enduit terre-paille

L’enduit étant stocké dehors, nous remplissions des seaux, qui étaient acheminés vers la maison dans une brouette, puis déversés dans de grands bacs (comme des poubelles rondes mais plus bas). Une fois malaxé, le mélange fermenté redevient très plastique, ce qui le rend très agréable à appliquer.

Nous avons généralement procédé en deux couches, la première visant à atteindre environ 4cm d’épaisseur et empêcher la barbotine de sécher, et la seconde réglant la planéité du mur en atteignant les 5cm recherchés.

Pour être certain·e que l’enduit accroche correctement, et aussi pour ne pas salir le travail déjà fait, on part normalement du haut du mur pour aller vers le bas, et on progresse en diagonale.

Là aussi nous avons essayé plusieurs techniques :
– La moins salissante : On charge une taloche avec de l’enduit, puis on vient la presser contre le mur avec un mouvement qui va du bas vers le haut, avec un angle légèrement ouvert. C’est ma version préférée, mais c’est celle qui m’a causé des douleurs articulaires importantes à cause de la répétition des gestes avec le poids de l’enduit.
– La plus fun et accessible : On projette à la main des « boulette » d’enduit sur le mur pour toute la 1ère passe. Il est tout à fait possible de lisser grossièrement à la taloche une fois toute la surface recouverte. La dernière couche est ensuite appliquée à la taloche (ou au platoir pour les endroits moins accessibles ou plus petits).

Il est également possible de tout appliquer à la main, c’est une question de choix esthétique.

L’application du corps d’enduit est une étape véritablement méditative et addictive, bien que très physique. Je ne pensais pas autant l’apprécier, mais clairement c’est une de mes phases préférées du chantier !

4. Enduire l’hiver

Nous avons dû enduire au mois de novembre 2022, et nous avons pu constater quelques désordres, légers, qui n’arrivaient pas les mois précédents avec des températures de séchage plus appropriées. Les parties enduites ont présenté pas mal de plaques de champignons (des auréoles blanches et « poilues »), des grains de blé ont germé, et la condensation était importante sur les fenêtres de l’étage où nous travaillions.

Nous avions déjà installé le poêle, ce qui nous permettait de faire du feu pour augmenter la température de la maison, et l’ensemble des isolants était mis en œuvre. Cependant, cela n’a pas suffit. Nous avons alors acheté un déshumidificateur un peu costaud pour nous aider à assécher, et ça a été assez efficace sans pour autant arrêter complètement les manifestations de cette humidité trop élevée. Il aurait fallu pour cela un radiateur soufflant, et c’était hors de question à cause de la consommation électrique de ces appareils.

Dans la mesure du possible, nous ne pouvons que vous recommander d’enduire l’été, ou au moins de faire la première couche à cette période : lorsque la première couche est sèche, la deuxième sèche beaucoup plus vite car une partie de son humidité est captée par la première. Vous limiterez grandement les désagréments.


Nous sommes depuis peu passés dans la phase enduits de finition, bien qu’il nous reste encore un peu de travail en corps d’enduit. Vous pouvez suivre les avancées de façon plus instantanée sur Instagram, ce qui permet également de mieux rendre compte de la difficulté d’achever totalement une phase avant d’en démarrer une autre.

👉 Si vous avez un projet d’enduit terre sur bottes de paille, je vous invite vivement à écouter ce paillardage du RFCP avec Julie Laurain. Nous avons suivi attentivement ses conseils, qui nous ont aussi aidé à ne pas sous-estimer l’importance de cette étape.

Laisser un commentaire