La récupération de l’eau de pluie est un sujet vaste mais au fond assez simple, bien que nécessaire à aborder quand il s’agit d’un projet d’habitat visant un maximum d’autonomie. Comme d’habitude quand le sujet est si étendu, je ne développerai ici que ce qui concerne notre choix, en détaillant au mieux pour celleux que ça intéresse. Il n’est pas dit que la solution que nous avons retenue convienne à toustes bien évidemment.
Le cadre règlementaire
En 2008, un arrêté définit les modalités d’application de la nouvelle loi sur l’eau de 2006. On lit souvent de nombreuses interprétations de cette loi, et les mairies / administrations se font régulièrement leur relais, indiquant qu’il est illégal d’utiliser l’eau de pluie chez soi pour certains usages, ou encore qu’il est illégal d’être déconnecté du réseau.
Il n’en est rien.
À partir du moment où vous filtrez cette eau, en tant que particulier, vous avez le droit de l’utiliser comme bon vous semble. Sur la partie assainissement, qui vient après donc, les contraintes sont différentes selon que l’on soit en site isolé, comme c’est le cas pour nous, ou relié au tout-à-l’égoût.
Si vous voulez creuser le sujet, je vous invite à regarder la très complète série de vidéos sur l’eau sur la chaine de l’Archi’Pelle avec Pierre de Ec’eau logis, où tout est très bien détaillé sans pour autant vous farcir les textes de loi !
En France, il existe déjà tout un tas d’habitats autonomes en eau, pour tous ses usages, que ce soit par choix et/ou par contrainte. Il existe aussi tout un tas de systèmes de collecte, de filtration et de pompage, du plus high tech au plus low tech.

Dimensionner son installation
Avant de faire notre choix de modèle, nous avons estimé nos besoins de stockage. Pour cela, il nous fallait connaître notre consommation actuelle, les usages qui seront différents demain, définir la durée d’autonomie que nous attendions, rechercher les données de pluviométrie des dernières années et calculer notre surface de captation. En la matière, chacun fait sa petite sauce dans son coin puisque de toutes façon, tout ne reste que modèle théorique.
Notre consommation
Nous ne sommes pas de très bons élèves dans notre consommation d’eau au quotidien. Nous faisons attention à ne pas gâcher d’eau globalement, mais nous aimons profiter d’une douche chaude de plus de 2mn… Notre foyer (2 adultes, 2 enfants de 2 et 8 ans) consomme approximativement 120m3 par an (la moyenne française pour un ménage de 4 personnes est de 150m3).
Dans notre maison, il n’y aura pas de toilettes à eau. Quand on sait qu’ils représentent à eux seuls 20% de la consommation d’eau d’un foyer, l’économie réalisée par ce simple équipement n’est pas négligeable. Au-delà de la question des économies de ressource et d’argent, nous verrons dans un futur article sur l’assainissement que ne pas produire d’eaux vannes tombe sous le sens, assainissement collectif ou non.
L’installation de toilettes sèches uniquement devrait faire baisser notre consommation au minimum de 15%, ce qui nous mène à environ 100m3 par an.
L’eau d’arrosage du jardin (que nous arrosons le moins possible) sera assurée par la mare et d’autres réserves extérieures.
Notre autonomie
C’est un fait qui ne souffre aucun débat : le climat de la planète que nous habitons se dérègle. Ces dernières années, nous avons connu de grosses vagues de chaleur et des canicules. Il est fort probable que ce type d’été devienne la norme.
Les orages se font plus violents, les pluies moins régulières. Il tombe parfois l’équivalent de plusieurs semaines de pluie en une seule journée, et de longues périodes de sécheresse sont à craindre chaque année.
Pour tenter de nous adapter au mieux à ces contraintes qui sont encore pour partie de l’ordre de l’anticipation, nous avons estimé qu’il nous fallait calculer nos besoins sur une base de 3 mois sans aucune goutte d’eau tombée du ciel. Ce qui nous amène à 100/4 = 25m3 de réserves nécessaires.
Cette façon de le calculer très simpliste n’est qu’une indication globale : elle ne prend pas en compte notre auto-régulation si nous voyons qu’aucun orage ne se profile à l’horizon et que le niveau des cuves baisse fortement. En adaptant nos comportements, 25m3 pourraient tout à fait nous permettre d’aller bien au-delà des 3 mois.
Nous bénéficierons des surfaces de captage des 2 toitures, ce qui représente presque 200m2 (on compte vu du dessus, donc en gros l’emprise au sol du bâtiment).
On considère que l’on récupère 85% de l’eau qui atteint effectivement le toit. Attention à prendre en compte la nature de la couverture pour vos estimations, car les différents matériaux ne permettent pas une collecte aussi efficace les uns que les autres.

Notre choix – Optimeau
Des cuves de récupération d’eau en béton
Nous avons fait le choix d’installer des cuves en béton (de ciment). C’est d’ailleurs sa seule et unique utilisation dans notre projet, car nous avons globalement horreur de ce matériau froid, qui sent mauvais, qui pollue beaucoup, dont le financement alimente les guerres partout dans le monde et qui détruit les fragiles équilibres côtiers pour extraire le sable nécessaire à sa fabrication…
Sauf que dans le domaine des cuves de récupération d’eau de pluie à destination de consommation humaine, il présente de nombreux avantages et ne rentre en concurrence commerciale à ma connaissance qu’avec le plastique.
Ainsi, le béton :
– neutralise le pH de l’eau (la pluie est acide, et l’est d’ailleurs de plus en plus à cause de la pollution atmosphérique dont elle se charge)
– minéralise l’eau de pluie
– présente une durée de vie intéressante, d’autant plus dans une forme sphérique comme celle que nous avons choisie bien qu’elle nécessite moins d’épaisseur qu’une cuve d’une autre forme (comme pour les oeufs, faciles à casser de dedans pour laisser sortir le poussin, bien plus difficiles à casser de l’extérieur).
– n’entraîne a priori pas de transmission de perturbateurs endocriniens à l’eau

Un fabricant local
Nous avons choisi les cuves Optimeau, qui est une petite entreprise périgourdine. Elles sont fabriquées à 30mn de chez nous, et la démarche générale nous a paru très sérieuse dès le départ. Il faut dire que nous arrivions avec un a priori positif car nous connaissons plusieurs personnes, toutes dans le domaine de l’éco-construction, qui ont déjà quelques années de recul sur leur installation personnelle.
C’est également Optimeau qui a installé les cuves de collecte de l’éco-centre du Périgord, où nous avons fait notre formation à la construction paille.
La visite de l’atelier, le contact avec Philippe et Corinne, leurs explications techniques et la qualité des matériaux et matériels utilisés, ont achevé de nous convaincre. Il faut dire que ce type d’installation représente un gros budget et surtout un gros engagement sur l’avenir, on ne signe donc pas ce genre de devis à la légère…
Le dimensionnement et l’implantation
Sur la base de notre calcul de besoin, nous avons opté pour 3 cuves de 7000L chacune. Cela nous fait donc 21m3 de stockage.
Nous avons choisi une pose en T afin de reste le plus compact possible dans nos argiles, et d’empiéter au minimum à l’avant de la maison.
Bien que les couvercles ne soient pas follement esthétiques, nous avons sciemment fait le choix de placer les cuves au Sud de la maison, donc devant la coursive, pour diverses raisons :
– si nous les avions placées au Nord, nous aurions été obligés de pousser davantage la maison au centre du terrain. Les fenêtres de l’atelier auraient alors directement donné sur le mur aveugle de la maison…
– en les plaçant au Sud, nous pouvions facilement mutualiser les collectes des 2 toitures avec un minimum de longueur de tuyaux (donc un minimum de dénivellé)
– positionnées ainsi, elles sont du bon côté de l’arrivée d’eau dans la maison qui est située sous l’escalier, auprès du ballon d’eau chaude
Nous prendrons bien évidemment soin de camoufler tout ça derrière une jolie végétation comestible !

Les aspects techniques
L’eau arrivée dans les gouttières passe par un filtre grossier dans chaque regard. Cela permet de retirer en amont les grosses impuretés comme les feuilles ou débris.
Elle se déverse ensuite dans la première cuve, après avoir de nouveau passé un filtre tamis inox. Les cuves étant jumelées selon le système du vase clos, donc par le bas, elles ont un niveau toujours identique. C’est par cette première cuve que s’évacue également le trop-plein en direction du bassin de baignade.
Dans la 2ème cuve, la plus proche de la maison, on trouve la pompe inox immergée et donc la sortie d’eau.
La 3ème cuve n’est là que pour le stockage.
L’eau qui est stockée ainsi est déjà une eau de bonne qualité. Elle va néanmoins nécessiter un traitement (naturel) pour être utilisable dans la maison et consommable.
Petit tips de Pierre l’Ec’eau logis : installer dans une des cuves un bulleur de bassin, qui sera en fonctionnement quelques heures par semaine. En apportant de l’oxygène à l’eau, il limite fortement le développement des bactéries coliformes, augmentant ainsi encore le niveau de qualité de l’eau stockée.
À l’intérieur de la maison, dans un local technique situé sous l’escalier, nous installerons la platine technique. Elle est le support des commandes et des filtres. Nous avons souhaité prévoir l’arrivée d’eau ici plutôt que dans le cellier, afin d’être immédiatement à côté du ballon d’eau chaude (solaire thermique) puisque la quasi totalité des conduites d’eau devra passer par là.
Côté commandes, nous avons fait le choix de privilégier les fonctionnements simples et qui sollicitent le moins possible la pompe. Nous installerons donc un contacteur manométrique (déclenche la pompe uniquement lorsque la pression détectée dans les canalisations n’est plus suffisante) associé à un ballon à vessie de 100L. En gros, cette installation permet d’éviter de déclencher la pompe à chaque fois qu’on ouvre le robinet pour se laver les mains par exemple, car c’est le ballon qui sert de stock-tampon d’eau.
La platine sera également équipée d’une jauge pneumatique (comme la poire du médecin quand il prend la tension) pour nous permettre de vérifier facilement le niveau de remplissage.
La pompe quant à elle est immergée, fixée au fond de la cuve numéro 2. Cette solution présente le gros avantage d’être totalement silencieux.
Côté filtres, il faut différencier les actions pour comprendre leur intérêt.
Tout d’abord, l’eau passe par un filtre à sédiments à 50 microns, situé avant le contacteur. Il permet de retenir les fines particules de sable ou boues qui pourraient arriver jusque là et d’empêcher d’éventuels dégats sur le contacteur. Il s’agit d’un filtre en inox, il est donc lavable.
L’eau est ensuite filtrée à 20 microns dans un nouveau filtre à sédiments.
Elle passe ensuite au travers du filtre à charbon actif, qui assure le traitement organoleptique de l’eau. Ces deux derniers filtres sont des consommables, à renouveler chaque année.
L’eau issue de cette filtration est parfaitement utilisable pour toute la maison, douche et brossage des dents inclus, mais n’est pas l’eau destinée à la consommation (boisson et cuisson).
Dans la cuisine, nous continuerons à utiliser notre Berkey, en service depuis 3 ans déjà. Nous avons eu l’occasion de constater son efficacité indiscutable un jour où l’eau du robinet coulait marron à cause d’une intervention sur le réseau. Une fois filtrée, elle était de nouveau claire et parfaitement bonne. Nous avions ainsi pu dépanner nos voisins qui auraient été bien embêtés sans cela.
La résilience de l’installation
Vu comme ça, tout paraît très technique et plus high tech que low tech. Mais comme la résilience des systèmes que nous installons nous importe, nous essayons de prévoir différentes façons d’utiliser un même outil.
Dans le cas des cuves, nous souhaitons installer à proximité une pompe manuelle de type Grillot, qui nous permettrait d’extraire l’eau facilement en cas de dysfonctionnement électrique par exemple.
L’utilisation du Berkey vient compléter de façon idéale cette installation, car il nous permet de filtrer plusieurs milliers de litres d’eau de pluie pour la potabiliser, peu importe sa qualité de départ.

Et côté budget ?
J’y viens en dernier lieu, car il est évident que la volonté d’autonomiser son installation d’eau n’est pas liée à une projection d’économies financières. Bien que cela puisse se discuter avec une approche globale !
Si on prend simplement le coût de l’installation des cuves et de l’entretien annuel (changement des filtres soit une centaine d’euros par an), alors effectivement l’installation a peu de chance d’être rentable par rapport à un branchement au réseau, surtout s’il passe à proximité de la propriété. Il est intéressant de considérer d’autres éléments dans ce calcul, comme l’usage prématuré du matériel qui subit les agressions du tartre, alors que l’eau de pluie est dénuée de calcaire.
Pour nous, bénéficier au quotidien d’une eau non chlorée, non calcaire, non fluorée, quasi sans nitrates et phtalates, métaux lourds, sans résidus médicamenteux, devrait être une affaire de santé publique.
Quand on se penche sur cette question, on mesure à quel point la gestion de l’eau est une véritable catastrophe en France : On crée d’énormes stations d’épuration pour nettoyer une eau que l’on a extraite d’un sol pollué, puis potabilisée, et dans laquelle on a autorisé les gens à déféquer. Quand on sait que la quasi totalité des pollutions de l’eau vient des fameuses eaux vannes (eaux des toilettes), on comprend bien pourquoi le tout-à-l’égoût est une erreur monumentale… Je m’égare, et avant d’en revenir à l’aspect financier de l’autonomie en eau, je vous invite si le sujet vous intéresse à regarder cette excellente vidéo qui devrait être vue par un maximum d’élu.es et de militant.es : Eautarcie, la fin du tout-à-l’égoût.
Pour vous faire une idée, voici quelques ordres de grandeur de tarifs au sujet de notre installation, qui ne compte pas parmi les moins chères du marché :
– terrassement et livraison : environ 1000€
– 3 cuves 7000L avec quelques options (les entrées et sorties techniques sont pré-installées) : environ 10 000€
– pompe immergée inox + platine de commande et filtration >> tout est déjà installé dans la cuve et sur la platine, solution clé-en-main puisqu’il n’y a plus qu’à brancher : 3500€
– pompe Grillot (pas encore achetée) : environ 500€ support et raccordement inclus
– Berkey : 270€, acheté en 2018. Avec la crise sanitaire, les Berkey ont pris au moins 50€… Nous avions acheté la taille « Big » 9L. Nous cuisinons avec l’eau filtrée en plus de la boire, et une taille supérieure aurait été plus confortable bien que celle-ci nous permette d’assurer 100% de notre consommation sans attendre.
En tout, notre budget eau est donc d’environ 15 000€ à l’installation. Si on compare avec notre mensualisation actuelle à 35€, il nous faudrait près de 40 ans pour amortir cet investissement. Nous n’avons pourtant pas hésité un instant à choisir la voie de l’autonomie sur ce poste.
Qui dit que dans un monde dont les ressources se raréfient, le prix de l’eau restera stable et/ou abordable pendant un demi-siècle ?
Qui peut, à l’heure du désengagement de l’État, nous garantir l’entretien des réseaux pour les décennies à venir ?
L’eau, contrairement à l’électricité, est indispensable à la vie. Il me semble judicieux, si le budget ne permet pas de s’autonomiser au maximum sur les 2 postes, de privilégier celui-ci.
Et vous, vous en pensez quoi ?
Super article très inspirant !
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Merci beaucoup ☺️
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merci beaucoup !
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